1er Mai : Pour un travail décent, formalisons l’emploi informel


Entretien avec Samira Daoud

Représentante du Bureau de l’OIT pour le Sénégal, le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée et la Guinée-Bissau

Propos recueillis par
Dakar Actu

 

Madame Daoud, au Sénégal, près de 90 % des travailleurs évoluent dans le secteur informel. Quels leviers identifiez-vous pour favoriser leur transition vers le secteur formel ?

Samira Daoud :

C’est une question fondamentale. L’économie informelle est à la fois un filet de sécurité sociale et un frein à la productivité et à la protection des travailleurs. À l’OIT, nous croyons que la formalisation est non seulement possible, mais surtout nécessaire, à condition qu’elle soit progressive, inclusive et ancrée dans les réalités locales. Nous nous appuyons sur la recommandation 204 de l’OIT pour guider cette transition.

 

Quels sont concrètement ces leviers ?

 

Il y en a plusieurs. D’abord, l’amélioration de l’environnement des affaires, notamment pour les très petites entreprises. Cela passe par la simplification administrative, la digitalisation des services, et la décentralisation des guichets d’appui.

Ensuite, il faut élargir la protection sociale. Beaucoup de travailleurs informels ne se formalisent pas parce qu’ils n’y trouvent aucun avantage. Il faut leur offrir des régimes adaptés via des mutuelles, l’IPRES ou la CSS.

 

Et en matière de compétences ?

 

La formation professionnelle est essentielle. Il faut proposer des formations qualifiantes, reconnaître les acquis de l’expérience, et accompagner les acteurs informels avec du mentorat, de l’incubation ou du conseil en gestion.

 

Le financement est aussi un frein majeur, non ?

 

Absolument. Il est impératif de faciliter l’accès au financement avec des produits adaptés, des institutions de microfinance renforcées et des mécanismes de garantie.:

Quel rôle joue le dialogue social dans ce processus ?

 

Il est central. Les travailleurs informels doivent pouvoir s’organiser en coopératives ou syndicats, pour dialoguer avec les autorités. La promotion des coopératives communautaires est une priorité, car elles offrent une passerelle vers la reconnaissance juridique, l’accès aux marchés et à la protection sociale.

 

Et le rôle de l’État dans tout cela ?

 

Il est crucial. L’État doit intégrer pleinement la problématique de l’informel dans ses politiques publiques. Cela passe par des données fiables, des stratégies ciblées et des projets pilotes dans des secteurs porteurs. L’OIT plaide pour une transition volontaire, basée sur une logique d’incitation : plus de droits, de services et d’opportunités.

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