Mamadou Dia, héros de l’indépendance: Un symbole d’intégrité et de résistance


En politique, Mamadou Dia n’était pas du tout un poisson dans l’eau ; il étouffait, manquait d’oxygène en ces lieux qui avaient la réputation d’empester d’odeur pestilentielle du péché, de l’indifférence, de l’incurie et du manque criant de souci moral pour son prochain. Dès les premiers mois de 1962, des désaccords sont nés entre Senghor et lui. Et peu à peu, le fossé entre les deux s’est rapidement creusé. Là où le président poète, plus modéré, favorisait une continuité avec la France, « Mawdo », lui, adoptait des positions plus radicales.

 

En décembre de la même année, une motion de censure orchestrée par des députés proches de Senghor visait à renverser son gouvernement. Refusant cette tentative, Dia demanda l’intervention de la gendarmerie à l’Assemblée nationale. La motion fut finalement adoptée, et Mamadou Dia fut arrêté le 18 décembre 1962 pour « tentative de coup d’État ». Condamné à perpétuité en mai 1963, il passa douze ans derrière les barreaux avant d’être libéré en 1974.

Mais Dia est un symbole de résistance. Car pour pardonner douze années de déportation loin des siens, il faut plus qu’une vie et de simples convictions politiques. Mamadou, « le premier Mawdo », n’est pas en ces lieux où on le cherche, ce banal militantisme, cet engagement d’écolier ; il possédait sans nul doute une dimension spirituelle intemporelle qui réside dans son impétueux désir de bien faire et d’améliorer les choses. Des traits de caractère qu’il tire d’un parcours hors norme.

 

Socialiste autogestionnaire

 

Mamadou Dia en compagnie de Léopold Sédar Senghor

Né en 1910 à Khombole, dans le département de Thiès, Mamadou Dia, diplômé de l’École normale William-Ponty, commence sa carrière comme instituteur avant de s’engager en politique avec Léopold Sédar Senghor au sein du Bloc démocratique sénégalais (BDS), fondé en 1948. Président du Conseil des ministres en 1956, c’est lui qui signera, quatre ans plus tard, les accords d’indépendance du Sénégal, instituant un régime parlementaire bicéphale où les deux hommes se partagent le pouvoir exécutif. Le poète Senghor, président de la République et gardien de la Constitution, a une fonction de représentation, surtout à l’international. L’ancien instituteur Dia, de son côté, élabore la politique intérieure et économique du pays. À ce poste, il porte une vision économique et sociale ambitieuse, prônant la rupture avec l’ancienne puissance coloniale et une souveraineté économique basée sur l’autogestion et la réforme des structures agricoles.

 

Pendant des décennies, Mamadou Dia reste écarté de la mémoire officielle. L’histoire de l’indépendance sénégalaise est alors largement centrée autour de Léopold Sédar Senghor, présenté comme l’artisan de l’unité nationale. Dia, perçu comme un symbole de radicalisme politique, subit l’ombre imposée par son rival. Pourtant, ses idées visionnaires, notamment son socialisme autogestionnaire et sa volonté de rompre avec les structures économiques héritées de la colonisation, continuent d’inspirer certaines figures politiques et mouvements sociaux.

 

Libéré, donc, en 1974, il reprend rapidement le chemin de la politique avec la création du Mouvement pour le socialisme et l’unité (MSU). En 1983, il se présente à l’élection présidentielle, affirmant sa volonté de réformer profondément l’économie et les institutions sénégalaises. Toutefois, son influence reste limitée face à un système politique dominé par le Parti socialiste (PS) de Diouf et des héritiers de Senghor.

 

Son rôle historique sera progressivement réhabilité à partir des années 2000. Abdoulaye Wade, élu président, contribue à cette reconnaissance en rendant hommage à son ancien mentor et en saluant son intégrité politique. La jeunesse politique sénégalaise, en quête de nouvelles figures inspirantes, redécouvre alors la pensée et l’héritage de Mamadou Dia, qui s’est éteint le 25 janvier 2009 à Dakar à l’âge de 99 ans.

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