SORTIE DU PM SONKO : Cette dualité non assumée au sommet de l’État, menace de faire vaciller la cohérence républicaine » dixit Moustapha Diaw de Racines Socialistes


Par Moustapha DIAW, Président du Mouvement RACINES SOCIALISTES. 
 » Le malaise qui s’installe au sommet de l’État sénégalais depuis quelques semaines n’est pas un simple épisode de tension politique. Il révèle un dysfonctionnement plus profond lié à une cohabitation inédite entre deux pôles de pouvoir issus d’un même camp, mais porteurs de dynamiques différentes. En tant que président du mouvement Racines Socialistes, je me sens interpellé. Je l’avais écrit.  Je l’avais prédit. Et aujourd’hui, les faits me donnent tristement raison.
 
Dès la nomination du Premier ministre Ousmane Sonko, j’ai alerté sur les risques d’un bicéphalisme institutionnel mal maîtrisé. Certains ont cru à une posture d’opposant, d’autres à une crainte infondée. Mais ce que nous vivons depuis quelques semaines est bien plus qu’un simple malentendu entre deux hommes. C’est une crise larvée de leadership, une dualité non assumée au sommet de l’État, qui menace de faire vaciller la cohérence républicaine.
 
Le Sénégal est à un tournant. Ce pays que nous aimons, que nous avons construit, mérite mieux que cette confusion des rôles, ce désordre discursif, ce climat d’opposition interne au cœur même de l’exécutif. Une partie du pouvoir parle, l’autre se tait. L’une attaque, l’autre esquive. Mais l’État, lui, ne peut pas avancer à deux vitesses. Il est temps de dire les choses avec clarté. Le Président Bassirou Diomaye Faye, élu sur une vague d’espoir citoyen, tarde à incarner l’autorité régalienne qui lui revient. À force de discrétion, son silence devient ambigu. Ce n’est pas une faute en soi, mais c’est une erreur de contexte. 
 
À un moment où l’équilibre institutionnel est mis à rude épreuve, le chef de l’État ne peut plus se contenter d’un rôle d’arbitre invisible. Gouverner, c’est aussi affirmer une vision, fixer une direction, rappeler les limites. Le silence prolongé du Président est aujourd’hui perçu comme un consentement tacite à un désordre institutionnel. De l’autre côté, le Premier ministre Ousmane Sonko agit avec une liberté de ton et de posture politique qui brouille les frontières entre action gouvernementale et stratégie partisane. Son statut de leader charismatique, fondateur du projet PASTEF, l’amène à superposer une légitimité militante à sa fonction étatique. Or, le pouvoir exécutif n’est pas une arène de compétition d’influence. La Primature n’est pas une tribune de résistance. Elle est le prolongement de la Présidence, pas sa rivale. Les déclarations publiques du Premier ministre, sa dénonciation frontale de corps d’État(magistrature, presse, société civile), ses sorties médiatiques non concertées ne sont pas sans
conséquences. Elles fragilisent la solidarité gouvernementale, accentuent la polarisation de la société et jettent le trouble sur la ligne d’action de l’État. Gouverner, ce n’est pas agiter ; c’est rassurer, construire, unir. Ce que nous vivons n’est pas nouveau. 
 
L’histoire politique du Sénégal a déjà été marquée par cette fracture au sommet. En 1962, Mamadou Dia et Léopold Sédar Senghor, deux piliers du socialisme africain, se sont heurtés dans une impasse institutionnelle tragique. Deux légitimités, deux visions, deux ambitions. Le résultat fut une crise d’État, la fin du régime parlementaire, et l’emprisonnement de Mamadou Dia. L’histoire ne se répète jamais à l’identique, mais elle se réinvente souvent sous des formes nouvelles. Aujourd’hui encore, nous sommes confrontés à une dualité périlleuse : un Président qui peine à incarner, un Premier ministre qui déborde. L’administration s’interroge, le peuple s’inquiète, les institutions s’exposent. Au nom du Mouvement RACINES SOCIALISTES, j’affirme que ce modèle ne peut tenir. Le Sénégal a besoin d’un pouvoir clair, d’un État cohérent, d’un leadership assumé. Vous ne pouvez pas bâtir la refondation démocratique sur les fondations fragiles d’un pouvoir divisé.
 
 Le bicéphalisme politique est un luxe que notre jeune démocratie ne peut pas se permettre. Je suis dans une opposition républicaine. Je ne tire aucun plaisir à pointer ces dérives. Mais mon devoir de citoyen et de militant socialiste engagé pour l’Afrique et le Sénégal, m’oblige à dire que le peuple n’a pas élu un duel, il a élu une gouvernance. Il attend des résultats, pas des tensions internes. Il veut de l’apaisement, pas des déclarations incendiaires. 
 
La sortie de crise est encore possible, mais elle exige du courage. Du courage pour que le Président de la République parle enfin haut et clair. Du courage pour que le Premier ministre sache se mettre au service de l’action publique, non d’un récit personnel. Du courage pour que les institutions reprennent leur place dans le respect des règles. Le Sénégal mérite mieux. Il n’a pas besoin de deux chefs, mais d’un État fort, d’un cap partagé, d’une parole responsable. L’opposition que je représente n’est pas celle du chaos, mais celle de la cohérence. Et je continuerai de parler, aussi longtemps que le silence menacera la République ».
 
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